Comment porter plainte ?

Vivre des violences, c’est déjà très lourd.

Trouver la force de porter plainte, c’est une étape difficile mais importante. Ce n’est pas “juste” une démarche administrative : c’est une façon de dire stop, de poser une limite, de chercher protection.

Tu n’as pas à tout affronter seul·e.

Voici comment ça se passe, étape par étape, avec des mots simples.

1. Où et comment porter plainte ?

  • Tu peux porter plainte en te rendant dans n’importe quel commissariat de police ou brigade de gendarmerie.
  • Tu as le droit d’être accompagné·e de la personne de ton choix : un·e proche, un·e avocat·e, un·e professionnel·le d’une association, etc. Ce soutien est important, surtout si tu redoutes cette étape.
  • Dans certains commissariats ou gendarmeries, tu peux aussi demander à être reçu·e par un·e intervenant·e social·e. Ces professionnel·les sont là pour t’écouter, t’orienter, et t’aider à trouver des solutions concrètes (logement d’urgence, protection, aide administrative…).
  • Tu peux aussi écrire un courrier au procureur de la République pour signaler les faits et enclencher une procédure, surtout si tu ne te sens pas en sécurité pour aller dans un commissariat.

 

L’aide juridictionnelle : une aide pour payer les frais d’avocat

Si vous n’avez pas les moyens de payer un avocat, vous pouvez demander l’aide juridictionnelle.
Il s’agit d’une aide financière versée par l’État, qui prend en charge tout ou partie des frais d’avocat et de justice, selon vos ressources.
Votre avocat ou une structure d’aide aux victimes peut vous aider à constituer le dossier de demande.

2. Qu’est-ce qu’on va te demander ?

Lors de ton dépôt de plainte, un policier ou un gendarme va recueillir ta parole.

On te demandera de raconter les faits, dans tes mots. Ce n’est pas un interrogatoire, c’est ton témoignage.

Tu pourras dire :

  • Ce que tu as subi (violences physiques, psychologiques, sexuelles, économiques…).
  • A quelle fréquence
  • Depuis quand
  • Si d’autres personnes ont été témoins
  • Si tu as des preuves : messages, photos, certificats médicaux, témoignages, etc.

Tu n’as pas besoin d’avoir tout noté ou tout retenu. L’essentiel, c’est que tu racontes ce que tu as vécu. Tu as le droit d’être bouleversé·e, de pleurer, de ne pas te souvenir de tout. La personne en face est censée être formée pour t’écouter avec respect.

Important : un certificat médical peut appuyer ta plainte.

Il permet d’attester des violences subies, même si elles ne laissent pas de traces visibles.

Cela vaut aussi pour les violences psychologiques, le harcèlement moral, les menaces ou les états de stress post-traumatique.
Si tu n’as pas encore vu de médecin, pas de panique :
le/la policier·ère ou gendarme peut te proposer un rendez-vous à l’UMJ (Unité Médico-Judiciaire) pour être examiné·e par un·e médecin légiste.
Ce médecin rédigera un certificat médical officiel, qui peut être très utile dans le cadre de l’enquête ou d’un éventuel procès.

Le certificat mentionne parfois une ITT (Incapacité Totale de Travail).

Ce n’est pas lié à ton emploi, mais à l’évaluation des impacts des violences sur ta vie quotidienne.
L’ITT peut jouer un rôle dans la qualification des faits (contravention, délit, crime).

Très important : après ton dépôt de plainte, on te proposera de prendre contact avec une association d’aide aux victimes (souvent via France Victimes ou une structure locale).

Fais-le. Ces associations peuvent :

  • T’expliquer tes droits,
  • T’accompagner psychologiquement et juridiquement,
  • T’aider dans toutes tes démarches,
  • Et te soutenir pendant toute la procédure (enquête, audience, après).

3. Et après ?

Une fois ta plainte déposée, le procureur de la République est informé. Un processus judiciaire est alors engagé dans le respect des droits de chacun.

C’est lui (ou elle) qui décide de la suite à donner :

  • Ouvrir une enquête : la police ou la gendarmerie va chercher à vérifier les faits, entendre d’autres personnes, recouper les éléments.
  • Classer sans suite : si le procureur estime qu’il n’y a pas assez de preuves ou que les faits ne sont pas constitutifs d’une infraction, l’affaire s’arrête là (mais ce n’est pas une fin définitive, il est possible de relancer).
  • Proposer une alternative aux poursuites (rare dans les cas de violences conjugales, car ce sont des faits graves).
  • Engager des poursuites : l’auteur peut être convoqué devant un tribunal.

4. Les mesures de protection pénale : se protéger concrètement

Quand on subit des violences conjugales (ou qu’on en a été victime), la justice peut mettre en place des mesures concrètes pour assurer ta sécurité, avant, pendant ou après une procédure pénale.

Parmi ces dispositifs, il y a le Téléphone Grave Danger (TGD), mais aussi d’autres mesures que tu peux demander ou que le juge peut décider.

Le Téléphone Grave Danger (TGD) : c’est quoi ?

C’est un téléphone sécurisé que la justice peut te confier si tu es en danger.

Il te permet de prévenir les secours immédiatement (24h/24) en cas de menace ou de tentative d’approche par l’auteur des violences.

Quand tu appuies sur le bouton d’alerte, tu es localisé·e immédiatement, et une équipe de police ou de gendarmerie est envoyée sur place en urgence.

L’objectif : intervenir très vite, avant que ça dégénère.

En plus du TGD, la justice peut mettre en place :

  • L’ordonnance de protection (Interdiction d’approcher ou de contacter, éloignement du domicile, mesures sur la garde des enfants, droit de dissimuler ton adresse)
  • Le contrôle judiciaire ou le placement sous bracelet anti-rapprochement
    L’auteur des violences peut être contraint de ne pas s’approcher de toi
    En cas de non-respect : il/elle peut être placé·e en détention provisoire
  • L’éloignement en urgence
    La police ou la gendarmerie peut faire expulser immédiatement la personne violente du domicile (même si elle est propriétaire)

5. Et s’il y a un procès ?

Si le procureur engage des poursuites, tu peux te constituer partie civile.

Ça veut dire que tu participes officiellement à la procédure judiciaire en tant que victime, pour faire entendre ta voix, demander des réparations (dommages et intérêts), et accéder au dossier.

Tu peux te constituer partie civile :

  • Soit au moment du procès, en le disant au tribunal,
  • Soit plus tôt, par courrier au juge ou au procureur (avec l’aide d’un avocat si possible).

Être partie civile, ce n’est pas obligatoire, mais c’est souvent recommandé : cela te donne plus de droits dans la procédure.

6.Le classement sans suite : qu’est-ce que ça veut dire ?

Après avoir porté plainte, il est possible que tu reçoives une réponse indiquant que ton affaire est classée sans suite.

C’est souvent une nouvelle difficile à encaisser, surtout quand on a eu le courage de parler. Voici ce que ça signifie vraiment — et ce que tu peux faire.

Qu’est-ce que c’est ?

Le classement sans suite, c’est une décision prise par le/la procureur·e de la République (le/la magistrat·e qui dirige l’action publique).

Cela veut dire que la justice ne poursuit pas l’affaire, au moins pour le moment pour des raisons juridiques.

Mais attention :

  • Ce n’est pas un jugement.
  • Ce n’est pas une remise en cause de ta parole.
  • Cela ne veut pas dire que tu as menti ou que ce que tu as vécu n’est pas grave.

Pourquoi une affaire peut être classée sans suite ?

Il peut y avoir plusieurs raisons :

  • Pas assez de preuves (même si les faits sont graves).
  • Faits trop anciens (prescrits).
  • Impossibilité de poursuivre pour des raisons de procédure.

Le procureur doit parfois faire des choix difficiles, selon les éléments concrets dont il dispose et la charge de travail de la juridiction.

Et toi dans tout ça ?

Même si la procédure s’arrête là pour l’instant, tu as le droit d’être informé·e des motifs du classement.

Tu peux aussi demander un rendez-vous avec une association d’aide aux victimes ou un·e avocat·e pour comprendre ce que ça implique.

Est-ce qu’on peut contester un classement sans suite ?

Oui.

Tu peux :

  • Faire un recours (plainte avec constitution de partie civile) devant un juge d’instruction, avec l’aide d’un·e avocat·e.
  • Ou demander un réexamen de ta plainte s’il y a de nouveaux éléments ou témoignages.

Certaines associations peuvent t’aider gratuitement à rédiger une lettre au procureur ou t’orienter vers un·e avocat·e.

Et maintenant ?

Même si la procédure pénale s’arrête là :

  • Tu peux toujours bénéficier de protections (ex : ordonnance de protection, mesures d’éloignement).
  • Tu peux entamer une procédure civile, par exemple pour la garde des enfants ou un divorce pour faute.
  • Tu peux reprendre ta plainte plus tard, surtout si la situation évolue (violences répétées, nouvelles preuves…).

7. Ce que ça veut dire, porter plainte

Porter plainte, ce n’est pas simplement « faire punir » l’autre.

C’est avant tout te protéger, faire reconnaître ce que tu as subi, et ouvrir un chemin de réparation. Ce n’est pas toujours simple, et parfois les procédures sont longues, mais tu as le droit de demander justice.

Et surtout, tu n’as pas à le faire seul·e.

Petit lexique

  • Plainte : déclaration officielle à la police ou à la justice pour signaler un fait punissable.
  • Procureur de la République : magistrat qui décide s’il faut poursuivre une affaire, ordonner une enquête ou la classer sans suite.
  • Classement sans suite : décision de ne pas continuer la procédure (souvent par manque de preuves ou impossibilité d’identifier l’auteur).
  • Délit : infraction jugée grave, mais pas aussi lourde qu’un crime (ex. : violences physiques, menaces, harcèlement moral).
  • Crime : infraction très grave, jugée aux assises (ex. : viol, tentative de meurtre, meurtre).
  • Partie civile : statut qui permet à la victime de participer à la procédure, de demander des réparations et d’avoir accès au dossier.
  • Juge d’instruction : magistrat chargé d’enquêter dans les affaires complexes ou sensibles. Il instruit à charge et à décharge, et peut décider d’un non-lieu ou d’un renvoi devant un tribunal.
  • Non-lieu : décision de mettre fin à une procédure judiciaire faute de preuves suffisantes. Il peut être contesté.
  • UMJ (Unité Médico-Judiciaire) : service hospitalier où un·e médecin légiste peut constater les violences, même invisibles (traumatismes psychiques), et rédiger un certificat officiel.
  • ITT (Incapacité Totale de Travail) : durée pendant laquelle les violences t’empêchent de vivre normalement. Ce n’est pas lié à ton travail : même sans emploi, une ITT peut être fixée. Elle peut influencer la qualification des faits (délit, crime…).
  • Aide juridictionnelle: Aide financière de l’État qui permet de payer tout ou partie des frais d’avocat et de justice quand on n’a pas les moyens.
    Elle est accordée selon vos revenus, et la demande se fait auprès du tribunal ou sur le site service-public.fr.

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